Alors que la crise économique perdure et que plus des trois quarts de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté selon les Nations unies, les familles vulnérables sont confrontées à la réduction des aides internationales sur lesquelles elles comptent pour subvenir à leurs besoins.
Le ministre sortant des Affaires sociales (AS), Hector Hajjar, a ainsi annoncé vendredi qu'au moins jusqu’à nouvel ordre, il ne pourra continuer à payer aux familles pauvres les fonds qui leur sont consacrés par la Banque mondiale (BM) dans le cadre du programme Aman, encore appelé Programme de filet de sécurité sociale d’urgence (ESSN), qui avait été lancé en septembre 2021. Les familles qui ont bénéficié des aides pendant 18 mois ne pourront donc continuer à en recevoir pour le moment, a-t-il expliqué, alors que celles qui en ont profité plus récemment continueront à être payées jsqu'à un délai de 18 mois après le commencement du paiement. Dès que le nouveau crédit de 300 millions de dollars sera approuvé officiellement par le Parlement, des fonds seront versés à tous les bénéficiiares du programme, jusqu'à un délai de 24 mois à partir du début des aides, a-t-il ajouté.
M. Hajjar a affirmé aussi qu’un don international prévu dans le cadre du Programme d’aide aux personnes les plus vulnérables sera réduit des trois quarts pour l’année en cours.
Interrogée par L’Orient-Le Jour, une source informée du ministère des Affaires sociales indique que 93 500 familles libanaises avaient bénéficié du financement par la Banque mondiale du programme Aman, et ce durant une période de 12 mois entamée en 2022, et prolongée de six autres mois. Sélectionnées selon des critères bien définis et après des visites d’inspection, les familles avaient obtenu chacune 25 dollars mensuels, montant auquel s’ajoutent 20 dollars par mois pour chaque membre de la famille.
En juin 2023, de nouvelles négociations menées par le ministère des Affaires sociales et d’autres ministères du gouvernement sortant avec la Banque mondiale avaient abouti à un accord sur un prêt supplémentaire de 300 millions de dollars, indique la source précitée.
Après le processus suivi, conformément aux règles, à travers les ministères de la Justice, des Finances et de l’Intérieur, la Cour des comptes, la Banque centrale et le gouvernement, l’accord de prêt avait atterri au Parlement pour être validé par une loi. La BM avait en effet conditionné le versement des fonds à l’adoption sans modification de l’accord de prêt par le Parlement. Or, lors de l’examen du texte en question, la Chambre des députés y a ajouté la phrase suivante : « Cet accord sera exécuté sur base d’un mécanisme que mettra en place le Conseil des ministres ». Une phrase qui entrave le processus de paiement, conduisant à retarder la poursuite du versement des fonds aux familles bénéficiaires . Tant que cette phrase ne sera pas supprimée du texte, les fonds ne seront pas débloqués.
Lors de sa conférence de presse, M. Hajjar a affirmé chercher à remédier à la situation en voulant œuvrer avec le chef du gouvernement sortant Nagib Mikati et le président du Parlement, Nabih Berry, pour la recherche d’« un mécanisme d’amendement ». Selon la source précitée, une réunion à cet effet est prévue mardi matin entre MM. Hajjar et Mikati.
« Pour quelle raison ? »
En parallèle, des États donateurs (Union européenne, Canada, Allemagne, Norvège...) avaient prévu d’offrir pour 2024 un montant de 147 millions de dollars dans le cadre du Programme d’aide aux personnes (libanaises) les plus vulnérables, mis en place après le début de l’afflux des migrants syriens. Or ces mêmes donateurs ont récemment informé le ministre Hajjar que ce montant s’élèvera finalement à 33,3 millions de dollars. « Ils nous ont convié à une réunion à la mi-décembre (2023) pour nous notifier d’une décision qui a pris effet dès le début de l’année en cours », a regretté M. Hajjar, se désolant pour « les 75 000 familles concernées qui ne bénéficieront des dons de la communauté internationale que durant trois mois ».
Se disant « choqué » par la décision de la communauté internationale, M. Hajjar s’est demandé « pour quelle raison » elle a été prise. « Nous avons pourtant réalisé toutes les réformes structurelles réclamées, notamment l’unification et la numérisation des données liées à la protection sociale. À la demande des pays donateurs, nous avons, en outre, recherché une stratégie de protection sociale que nous avons signée en Conseil des ministres. Il ne reste que le processus de lancement », a-t-il indiqué.
« La question des migrants syriens a-t-elle été résolue ? » s’est-il interrogé, assurant que si un retour des Syriens est programmé, le Liban « accepterait de ne pas recevoir d’aides ». « Est-ce ainsi que l’on récompense le pays pour avoir accueilli plus de deux millions de migrants sans condition ni contrainte ? » s’est-il indigné, appelant les autorités politiques, religieuses et syndicales à agir pour « les pauvres du Liban ».
Selon nos informations, M. Hajjar s’est réuni lundi avec l’ambassadrice de l’Union européenne, Sandra de Waele, pour discuter de la restriction décrétée par les pays donateurs. Parmi les motifs invoqués pour justifier la baisse des aides au Liban, un engagement de la communauté internationale dans l’aide financière à l’Ukraine.
Suite à la publication de cet article, l'Union européenne a tenu à transmettre cette mise au point :
« Les informations qui circulent, alléguant une diminution du soutien apporté par l’Union européenne au programme national de ciblage de la pauvreté (NPTP) sont inexactes et fausses. Ce soutien financier se poursuit depuis 2019, avec une moyenne de 30 millions d'euros par an, et n'a pas été impacté par des facteurs externes tels que la guerre en Ukraine. Pour 2024, l'UE a en effet engagé 33 millions d'euros, un montant légèrement supérieur à celui de la moyenne des 5 dernières années.
L'UE reste déterminée à soutenir le peuple libanais en ces temps difficiles. Nous soutenons également le gouvernement dans la réforme du secteur de la protection sociale afin qu'il soit financièrement viable et qu'il réponde aux besoins de tous les Libanais dans le besoin. Cela commence par la création d’un filet de sécurité sociale unifié dans le pays, entièrement détenu et géré par le gouvernement. »
commentaires (5)
Le plan funeste de naturalisation des réfugiés syriens et palestiniens est inébranlable . Et Natanyahou est impatient de l'exécuter au plus tôt !
Chucri Abboud
13 h 45, le 23 janvier 2024