Le cessez-le-feu et la libération d’otages, prévus ce jeudi, ont été repoussés à vendredi, a annoncé Israël mercredi soir. Mais la trêve promise sera de toute façon insuffisante, affirment les organisations internationales.

Ce qu’il faut savoir

  • La libération des otages, annoncée pour ce jeudi, n’aura pas lieu avant vendredi.
  • Quatre jours de trêve seront insuffisants, affirment les organisations humanitaires.
  • Le Qatar s’impose comme un médiateur incontournable dans la région.
  • Le pape François craint des « montagnes de morts » dans la bande de Gaza.

« Les négociations pour la libération de nos otages se poursuivent sans cesse », a indiqué mercredi le chef du Conseil national de la sécurité israélien, Tzachi Hanegbi, tandis qu’un responsable israélien sous le couvert de l’anonymat confiait qu’il n’y aurait « pas de pause » dans les combats jeudi.

Aucun des deux n’a donné d’explications.

Or, selon un officiel israélien cité par la Société de radiodiffusion publique de l’État hébreu (KAN), le délai serait attribuable aux signatures manquantes du Hamas et des médiateurs qataris. Le chaîne Channel 13 a également avancé que certains détails de l’entente devaient être fignolés.

PHOTO AHMAD GHARABLI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des proches et des sympathisants d’un otage retenu dans la bande de Gaza participent à une manifestation pour demander la libération des otages israéliens, à Tel Aviv.

Une source proche du bureau du premier ministre Benyamin Nétanyahou aurait par ailleurs affirmé que « personne n’avait parlé d’une libération demain [jeudi], sinon les médias », selon ce qu’a rapporté KAN.

Il était attendu que le cessez-le-feu débute ce jeudi, à 10 h du matin (3 h HNE). Selon le Qatar, principal médiateur de l’accord, la trêve doit s’étirer sur « quatre jours, avec possibilité de prolongation », et permettre au Hamas de libérer 50 de ses quelque 240 otages, contre environ 150 prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Dans les deux cas, il s’agira de femmes et de jeunes « de moins de 19 ans ». Le ratio d’un otage contre trois prisonniers devra toujours être respecté et au minimum 10 otages par jour devront être libérés, selon le gouvernement israélien.

En Israël, la principale association de familles d’otages s’est déclarée « heureuse » de l’annonce d’une « libération partielle », sans toutefois savoir « qui sera libéré et quand ». « Cela me donne l’espoir de voir mes filles revenir », a notamment déclaré Maayan Zin, mère de deux enfants retenus à Gaza, interrogée par l’Agence France-Presse.

Quelle différence ?

De bonnes nouvelles qu’il faut toutefois relativiser, estime Atalia Omer, professeure de religions, conflits et études de paix de l’Université de Notre Dame, dans l’Indiana. Car cette accalmie ne veut pas dire que la situation à Gaza va s’améliorer.

« Bien sûr, nous accueillons tous favorablement un cessez-le-feu », souligne d’abord l’experte américaine d’origine israélienne.

Le fait que des familles seront enfin réunies, c’est très significatif. Mais considérant le niveau de destruction des infrastructures dans Gaza et le fait que tellement de gens ont faim ou sont encore enterrés sous les décombres, je me demande quelle différence peut faire cette trêve.

Atalia Omer, professeure de religions, conflits et études de paix de l’Université de Notre Dame

Ce discours est partagé par les organisations humanitaires, qui ont plaidé mercredi pour une trêve prolongée.

Selon Amnistie internationale, quatre jours ne suffiront pas à régler la crise humanitaire et sanitaire qui se développe à Gaza, dans le contexte de siège total auquel est confronté le territoire palestinien, coupé de ses approvisionnements en eau, électricité et carburant.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Des Palestiniens sont sous le choc après une frappe israélienne sur une maison à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

« C’est insuffisant et ce n’est certainement pas assez en termes de droits de la personne », a affirmé Paul O’Brien, directeur général d’Amnistie internationale aux États-Unis, en conférence de presse mercredi. « En quatre jours, nous ne pouvons pas apporter de la nourriture à 2 millions de personnes, des soins à 2 millions de personnes », a de son côté déclaré Danila Zizi, responsable de Handicap International, estimant que ce serait « une goutte dans l’océan ».

Pessimiste, Atalia Omer souligne en outre que cette « avancée » ne garantit en rien le début d’une résolution du conflit.

« On est soulagé d’apprendre qu’un peu d’aide va entrer [dans Gaza]. Mais c’est à peine le minimum, sachant que cette guerre va se poursuivre. Il n’y a aucune indication que les choses vont ralentir et qu’on se dirige vers une négociation politique. Parce que tout processus politique implique qu’on devra reconsidérer la façon dont l’État israélien interagit avec les Palestiniens. »

Le rôle du Qatar

L’accord entre le Hamas et Israël a été rendu possible par le Qatar, qui confirme son rôle de médiateur incontournable dans la région.

De nombreux experts notent la position singulière du petit émirat du Golfe, qui est parvenu à entretenir des relations chaleureuses avec les puissances occidentales tout en gardant des liens avec des groupes radicaux et des États considérés comme des parias, en abritant notamment la direction politique du Hamas.

Mais c’est justement ce qui lui permet aujourd’hui de faire le pont entre les parties, souligne Tamir Sorek, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université de Pennsylvanie et d’origine israélienne.

Pour avoir quelqu’un qui peut faire ce travail, il faut des relations avec tous les côtés. Or la seule puissance dans la région qui a de bonnes relations avec tout le monde, c’est le Qatar. C’est sa tactique d’être en bons termes avec tout le monde.

Tamir Sorek, spécialiste du Moyen-Orient de l’Université de Pennsylvanie

Pas étonnant, donc, que le Qatar mène une intense activité diplomatique depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Le 21 octobre, il avait déjà obtenu la libération de deux Américaines, avant celle de deux Israéliennes par Tsahal quelques jours plus tard. Doha est également intervenu en septembre dans la libération d’Américains détenus en Iran. Plus récemment, le 16 octobre, alors que tous les regards étaient tournés vers la bande de Gaza, le Qatar a annoncé avoir rapatrié en Ukraine des enfants qui avaient été enlevés par la Russie.

PHOTO RONEN ZVULUN, REUTERS

Des soldats israéliens montent la garde près de l’ouverture d’un tunnel dans les environs de l’hôpital al-Chifa, dans la ville de Gaza.

L’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, s’est par ailleurs entretenu avec Joe Biden, mercredi. Le président américain a également échangé avec son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, de même qu’avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, dans des discussions portant sur « l’accord visant à obtenir la libération des otages », selon la Maison-Blanche.

« Une montagne de morts »

Le pape François a reçu séparément mercredi au Vatican des proches d’otages israéliens détenus par le Hamas à Gaza et des Palestiniens ayant de la famille à Gaza, appréhendant « une montagne de morts » dans cette guerre.

PHOTO VATICAN MEDIA, FOURNIE PAR REUTERS

Le pape François rencontrant des Palestiniens ayant de la famille à Gaza, au Vatican

« Prions pour la paix en Terre sainte. Prions pour que les controverses soient résolues par le dialogue et la négociation, et non par une montagne de morts de part et d’autre », a-t-il affirmé dans un appel vidéo pour la paix dans le monde et au Proche-Orient.

L’armée israélienne, de son côté, a emmené des journalistes dans ce qui reste de l’immense enceinte de l’hôpital al-Chifa de Gaza, détruit par les bombardements, et où a été mis au jour ce qui est décrit comme un réseau de tunnels du Hamas. L’établissement a été le point focal de plusieurs semaines de combats, l’armée étant convaincue que le mouvement islamiste palestinien y abritait des stocks d’armes et un centre de commandement, ce que le Hamas a toujours démenti.

Avec Bruno Marcotte, La Presse, l’Agence France-Presse, la BBC et The Guardian