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Vie de bureau

Allongement, rémunération à 100% ... Ces entreprises qui encouragent les congés paternité

Il est à l’origine d’inégalités salariales et de discriminations à l’embauche. Face à un congé paternité encore peu utilisé par les pères, nombreuses sont les entreprises qui s’activent pour encourager les seconds parents à exercer leur droit.

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Un père tient son nouveau-né à la maternité des Diaconesses, Paris 2020.

Aujourd'hui, la loi prévoit 28 jours de congé pour le second parent, contre 14 auparavant. 

MARTIN BUREAU / AFP

Marc Briant-Terlet n’a pas vu le temps passer. À peine avait-il eu le temps d’accueillir son premier enfant et d’aider un peu sa femme après l’accouchement qu’il lui fallait déjà enfiler ses chaussures et repartir. Un mois, c’est le temps que le co-fondateur de la marque Horace a eu pour faire connaissance avec sa nouvelle famille, le double de ce à quoi il aurait pu prétendre si son entreprise n’avait pas signé le Parental Act en 2020, s’engageant à prendre les devants sur la loi qui, à l’époque, ne prévoyait encore que 14 jours de congé pour le second parent. Une parenthèse nécessaire, mais encore trop comprimée selon lui.  "Le premier enfant, c’est la découverte de tout, c’est important de pouvoir être présent. Mais en dehors de ça, cela reste une période très intense physiquement pour les femmes, et il est important de pouvoir se répartir les tâches", affirme-t-il. Dans son idéal, le congé paternité durerait aussi longtemps que celui actuellement accordé aux mères - soit 16 semaines, alors que la loi prévoit aujourd'hui 28 jours.

Comme Horace, les témoignages d'entreprises offrant un congé parental plus avantageux que le minimum légal se multiplient. Un moyen de garantir l'égalité homme-femme, de favoriser l'engagement des salariés, voire de retenir les talents.

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Acte militant

Consciente que la différence entre les droits des deux parents fait le lit de nombreuses inégalités, Abeilles Assurances s’est emparée de la question en 2017, bien avant que celle-ci ne s’invite dans les hémicycles. Dans l’entreprise, où 43% des collaborateurs sont des hommes, tous les salariés sont encouragés à prendre 10 semaines de congé "parentalité", soit autant de jours que ceux accordés à la mère après son accouchement. "On n’a pas envie que nos salariés se coupent en deux. La vie privée, on ne l’accroche pas au porte-manteau quand on arrive au travail, avant de la reprendre en fin de la journée", illustre Jean-François Ode, directeur RH chez Abeille Assurances.

Le père de 4 enfants, qui regrette de n’avoir jamais pu savourer l’arrivée de ses nouveau- nés, s’est aussi engagé dans cette voie par militantisme, la grossesse représentant, en 2021, 3,2% des saisines enregistrées par le Défenseur des droits en matière de discriminations. "Lors des entretiens d’embauche, les employeurs peuvent se dire qu’avec un homme, au moins, il n’y a pas de risque de voir le salarié déserter pendant plusieurs mois", rappelle Claire Danion, directrice des affaires sociales chez Abeille Assurances. Chose qui ne serait plus possible si le second parent bénéficiait légalement d’un congé équivalent.

"Pendant les premières semaines, tout se met en place"

Mais en précipitant le retour du père au travail, les inégalités s’installent aussi à l’intérieur du foyer, subrepticement. Nathalie Fargeon, cofondatrice d’Émoi-Émoi, boutique de vêtements et signataire du Parental Act, a très vite ressenti la charge qui pesait sur ses épaules après l’accouchement. "C’est pendant les premières semaines, quand un parent est à la maison et que l’autre travaille, que tout se met en place, aussi bien dans la recherche d’un mode de garde que dans les rendez-vous avec les pédiatres par exemple, raconte-t-elle. Puis, la prochaine fois que la nounou appellera ou qu’il y aura un rendez-vous médical, c’est le premier parent, celui qui est resté à la maison, qui s’en occupera, puisque c’est lui qui aura tout fait dès le départ. Dans ces conditions, il peut être difficile de conserver l’engagement que l’on avait dans sa boîte". Si la cheffe d’entreprise a dû retrouver le chemin du travail assez rapidement, beaucoup de femmes se voient en effet contraintes de basculer à temps partiel. Plus de la moitié des femmes affirmaient en 2013 avoir interrompu ou réduit son temps de travail pour s'occuper de leur plus jeune enfant, contre 12% pour les hommes, selon l'Insee.

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Maintien du salaire à 100%

Pour encourager cette cause qui lui tenait à cœur, la cheffe d’entreprise, qui accordait déjà un mois de congé avant l’entrée en vigueur de la loi en 2021, a décidé de continuer à prendre en charge la rémunération de ses salariés, alors que la Sécurité sociale n’indemnise le second parent qu’à hauteur de 79% de son salaire de base. Et ce, sans condition d’ancienneté: "Cette année, un de nos collaborateurs qui attendait un bébé a pris son congé alors qu’il était encore en période d’essai, mais cela n’a eu aucune répercussion sur son salaire", se félicite Nathalie Fargeon. Même son de cloche chez Horace, où les salariés sont eux aussi indemnisés à 100%. "Tous nos collaborateurs n’ont pas les mêmes salaires, et il ne faut pas que les craintes budgétaires soient une raison de ne pas profiter de ce moment", affirme Marc Briant-Terlet, alors qu’aujourd’hui, ce sont 3 pères sur 10 qui n’exercent pas leur droit en termes de congé paternité.

Pour financer cette mesure, les entreprises doivent forcément mettre la main à la poche. Abeille Assurances, qui dépasse largement le délai remboursé par la Sécu, évalue à près de 15.000 euros par salarié les coûts engendrés par cette extension du congé "parentalité", sans compter le versement de salaires supplémentaires aux remplaçants. "Pas grand-chose par rapport à l’engagement qu’on y gagne", rassure Jean-François Ode, sondage Odoxa en main. En effet, 79% des Français auraient davantage envie de travailler dans une entreprise qui "met en place des actions en faveur de l’égalité homme-femme, comme l’allongement du congé second parent", selon les résultats de l’enquête. "Perdre un bon élément dans l’équipe, cela coûte bien plus cher", rappelle quant à lui Marc Briant-Terlet.  L’occasion, peut-être, pour les employeurs, de contenir la "grande démission" qui touche la France alors que 520.000 départs ont été recensés depuis la fin du premier trimestre 2022, un volume inédit depuis 2008.

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