Le chauffeur de bus et les collégiens

Bus scolaire ©Getty - Fatcamera
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Damien est agriculteur et pour compléter ses faibles revenus il décide de devenir chauffeur de car scolaire. Quand la direction de l'entreprise change en 2022, elle équipe les élèves de cartes à puce et le véhicule est géolocalisé. Peu de temps après, Damien est licencié. Récit signé Clément Baudet

Après avoir été ouvrier agricole, Damien s'installe à son compte, il crée un foyer, a des enfants et très vite la nécessité l'oblige à prendre un deuxième emploi : "On a un revenu extrêmement faible. Il ne faut pas se voiler la face, c'étaient les allocations familiales qui faisaient entrer le plus d'argent dans la famille."

L'occasion se présente de devenir chauffeur de transport scolaire. "Il y a maintenant 25 ans, on avait acheté un minibus qui était suffisamment grand pour emmener bien sûr notre famille, mais aussi les élèves de l'école communale. Il se trouve que la commune voisine cherchait un conducteur pour remplacer son cantonnier qui avait plus de travail dans la commune" se souvient Damien.

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Très vite, Damien s'attache à cette activité : "Le transport scolaire, ce n'est pas seulement faire monter les enfants et les déposer, c'est aussi avoir une relation particulière." "C'est une relation presque familiale. Les enfants du car scolaire sont presque mes petits enfants."

Damien adore son métier : "C'est un métier que j'ai toujours trouvé enthousiasmant. C'est un petit peu le prolongement de l'école avant l'école. Le matin, on aide les enfants à se réveiller. Et puis le soir, on chante souvent. Je prends le temps d'expliquer telle ou telle chanson."

En 2005, c'est une entreprise privée qui prend le relais de la commune. L'organisation devient departementale et le travail se déshumanise. "C'est devenu plus rigide, avec une insistance pour appliquer le règlement à la lettre, quand celui-ci, quand c'était communal, était appliqué avec plus de souplesse et d'humanité." Damien

Le métier change totalement. "On avait l'injonction de ne pas faire d'arrêt de complaisance, c'est-à-dire un arrêt pour faciliter la vie des parents. Et la sécurité des enfants, en déposant notamment les enfants au plus proche de leur domicile et non pas dans un endroit qui oblige à marcher au bord de la route." Damien

Pour Damien, c'est une question de bon sens : "Quand il fait encore nuit le matin ou le soir à leur retour, marcher sur le bord de la route est dangereux pour les enfants. Donc, pour leur éviter de courir un danger, je m'arrête toujours au plus proche du domicile des parents."

En 2022, suite à un appel d'offre, un changement plus radical se met en place. "À la rentrée de septembre, le nouveau chef d'exploitation nous a très vite fait comprendre que les relations seraient totalement informatisées. Je n'avais pas conscience que ça signifiait une géolocalisation, c'est à dire un pistage au mètre près et à la seconde près de l'endroit où se trouvait le véhicule" raconte Damien.

Après une convocation à la direction, Damien est sanctionné et menacé d'être licencié. Trois jours après il recoit un coup de fil qui lui annonce son licenciement : "Tout le monde a été bouleversé. Il y avait dans le car des collégiens qui criaient "On veut Damien ! On veut Damien !" Les enfants écrivaient mon nom sur la buée des carreaux. Ça m'a touché énormément. Ça faisait 17 ans que je travaillais sur ce secteur."

Damien décide de se battre : "J'ai eu un soutien énorme et c'est pour ça que je n'ai pas hésité à m'adresser aux Prudhommes, du fait que les nouveaux conducteurs s'arrêtent exactement là où je m'arrêtais, je considère que c'est du licenciement abusif."

Anaïs, mère de 3 enfants, vivant loin de l'arrêt de car, fait partie des parents qui soutiennent Damien et défendent la qualité de son travail. Elle témoigne.

Damien a été le premier chauffeur de bus de Zaïna. Elle raconte combien les choses ont changé depuis que Damien n'est plus là.

Merci à Damien, Jean-Christophe Rouxel, Anaïs, Zaïna et aux habitants des Billanges.

  • Production : Clément Bauet
  • Réalisation : Anne-Laure Chanel
  • Mixage : Fabien Capel

Musique de fin : Bad News Bearers, Quentin Sauvé

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