IA : un nouveau souffle européen porté par des investissements conjoints

Une Europe unie et lucide, investissant dans l'IA pour relever défis technologiques, éthiques et souveraineté, reliant recherche et innovation.

« La lucidité est le point de départ de la sagesse », écrivait le chercheur Albert Jacquard. Philosophie qui résonne avec les récentes annonces prononcées lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) : 109 milliards d’euros d’investissement public et – surtout – privé pour la France et 200 autres milliards pour l’Europe.

Pour un optimisme lucide

Comme l’a rappelé Mario Draghi dans son récent rapport sur la compétitivité européenne, l’Union européenne (UE) a une opportunité historique de se réinventer technologiquement pour cultiver une différence face aux géants américains et asiatiques. Mais soyons réalistes : cette ambition nécessite une coopération accrue, des investissements colossaux et, surtout, un changement culturel profond vis-à-vis de la technologie.

Être lucide, c’est peut-être se souvenir et prendre pleinement conscience que la technologie constitue une formidable force de progrès, pour peu que l’on parvienne à se l’approprier en toute responsabilité et à en cultiver une vision positive. Au XXIe siècle, l’intelligence artificielle et les biotechnologies ont le potentiel de redéfinir notre condition humaine. Ces avancées portent en elles une promesse : celle d’améliorer la santé, la productivité, ou encore la durabilité de nos économies. Mais elles posent aussi des questions majeures d’éthique et de souveraineté.

Pour entretenir la confiance dans le potentiel de la technologique, l’UE a tout intérêt à s’engager dans une voie ambitieuse. Actons le fait que le périmètre national n’est plus l’échelle adéquate tant en termes de marché que de capacité d’investissement. 

De facto, deux scénarios s’offrent à l’Europe. L’un est noir. Celui d’une ultra-dépendance technologique équivalente à la dépendance pétrolière du XXe siècle. Il guette si nous restons fragmentés. À l’inverse, le scénario du progrès repose sur une vision collective : celle d’une Europe unie autour de projets technologiques majeurs, à l’image de ce qu’Erasmus a été pour l’éducation ou Airbus pour l’aéronautique.

Des passerelles entre recherche et entreprises

Outre les investissements, l’Europe a besoin d’adopter un regard plus enthousiaste et plus collaboratif sur les projets technologiques. Trop souvent, les initiatives butent sur des rivalités nationales ou un manque de vision commune. Pourquoi ne pas imaginer des réussites collectives dans le domaine de l’intangible, comme l’intelligence artificielle ou la cybersécurité ?

Les atouts européens sont considérables. Les grandes écoles et universités continentales forment chaque année des chercheurs de pointe. Les doctorants sont nombreux, notamment dans les 82 laboratoires français spécialisés en intelligence artificielle. Problème : ces talents peinent à trouver un écosystème entrepreneurial à la hauteur. 

Les passerelles entre les mondes académiques et entrepreneuriaux demeurent insuffisantes. Investir dans ces connexions et soutenir les entreprises de taille moyenne pour leur donner une envergure européenne pourraient constituer de premiers pas vers cette architecture européenne optimiste et lucide tournée vers les technologies que le monde de l’entreprise appelle de ses vœux. 

Coopération et régulation : le duo gagnant

Aujourd’hui, il s’agit également de favoriser la confiance dans la technologie grâce à deux piliers : la coopération et la régulation. Coopérer entre pays et acteurs européens (la récente EU AI Champions Initiative en est un bon exemple), mais aussi avec les géants technologiques mondiaux, ou du moins s’en inspirer pour s’assurer que l’Europe reste dans la course. Ensuite, réguler. L’UE a montré, avec le RGPD, qu’elle pouvait définir des standards mondiaux en matière de protection des données. La régulation comme levier stratégique, en quelque sorte. 

L’opportunité de transformer l’optimisme en action est là. Mario Draghi a parlé d’un « moment olympique », pour incarner un élan où les valeurs de l’union et de la coopération pourraient enfin s’imposer. Pas seulement pour multiplier les investissements en R&D ou dans les startups naissantes, mais aussi afin d’imaginer un cadre où ces entreprises peuvent se déployer réellement à l’échelle continentale. Le moment est venu pour tous les acteurs européens de porter ce modèle optimiste et lucide, où la technologie se met résolument au service de l’humain.