Si ses dernières sorties n’ont pas suffi pour tirer la sonnette d’alarme, celle que vient d’effectuer le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, ce mardi 2 janvier 2024 à la Chambre des représentants au sujet de la situation de stress hydrique que vit actuellement le Maroc aura sans doute achevé de convaincre ceux qui se souciaient peut-être le moins de l’urgence qu’il y a à prendre le taureau par les cornes.

Il faut dire que, chiffres à l’appui, le responsable ministériel a dressé un constat effarant, après avoir rappelé ce qu’il a qualifié de trois « vérités » :

  • Première de ces vérités, c’est que le changement climatique est, avec des températures supérieures de 1,1°C par rapport à celles du XXe siècle, un fait établi et non une simple vue de l’esprit.
  • Deuxième vérité, c’est que parmi les pays qui vont être les plus impactés par ce changement climatique, on trouve le Maroc. Et pour cause, les températures y sont nettement plus importantes par rapport à celles du XXe siècle que la moyenne mondiale, à savoir de 1,99°C en 2022/2023, et 1,37°C au cours du présent exercice.
  • Enfin, troisième vérité, c’est la chute drastique des précipitations observées à partir de la dernière décennie. Ainsi la moyenne de ces précipitations entre 1945 et 2023 est de 11,5 milliards de m3, mais elle descend à 7,2 milliards au cours des dix dernières années, puis 5,2 milliards depuis 2017. Sur les trois dernières années, la moyenne est de 3 milliards de m3, tandis que depuis septembre seuls 500 milllions de m3 d’eau sont tombés (contre une moyenne de 1,5 milliard de m3 auparavant).

Et le pire, c’est que la marge de manoeuvre du Maroc se réduit, d’année en année, comme une peau de chagrin.

Ainsi, parmi les moyens sur lesquels on peut en temps normal s’appuyer en des périodes de telle disette, les barrages viennent en premier en tête. Sauf que ces derniers affichent la double problématique suivante :

  1. À cause des chaleurs actuelles, 1,5 millions de m3 s’évaporent, en moyenne, par jour.
  2. L’envasement – accumulation de sédiments comme la boue au fond des barrages – pose également problème, avec une moyenne annuelle de 17 à 25 millions de m3.

Par voie de conséquence, le taux de remplissage des barrages est, entre 2022/2023 et 2023/2024, descendu de 31,5% à 23,3%. Une moyenne qui se retrouve même à 19% au niveau du bassin du Bouregreg.

« Je vais être clair avec vous. Si on n’avait pas réalisé le projet royal de connexion entre [le bassin du] Sébou et le bassin du Bouregreg (par le biais des nouvelles autoroutes de l’eau, ndlr), le 18 décembre on aurait coupé l’eau aux populations de Rabat et de Casablanca » , a souligné, à ce propos, Nizar Baraka.

Autre problème qui est également pour accentuer le stress hydrique du Maroc, la surexploitation des nappes phréatiques, « notre réservoir pour l’avenir » selon le propos de Nizar Baraka. Ce dernier a, ainsi, égrené la situation catastrophique dans plusieurs régions où les nappes phréatiques baissent de façon criante, à savoir Tadla (5 m), Béni Amir et Souss (4 m), Berrechid (3 m) et Chtouka (1,5 m).

En renvoyant au discours d’ouverture de la session d’automne du Parlement d’octobre 2023 du roi Mohammed VI, où le Souverain s’était notamment attardé sur la problématique de l’eau et les défis urgents et futurs qui s’y rattachent, Nizar Baraka a mis en avant les principes suivants impératifs selon lui à mettre en application pour gérer la situation hydrique actuelle, seul façon pour pouvoir plus ou moins y parer en attendant des jours où le ciel pourrait éventuellement se montrer plus clément :

  1. Au lieu de mettre l’accent seulement sur les barrages, même si le recours à eux continuera bien évidemment de s’imposer, il faut aussi mettre le paquet sur les sources non-conventionnelles d’eau, telles l’eau de mer et les eaux usées.
  2. Stopper net le gaspillage, à travers par exemple l’utilisation du goutte-à-goutte dans l’agriculture.
  3. Sauvegarder les nappes phréatiques.
  4. Assurer l’interconnexion entre les différents bassins hydrauliques, comme dans le cas de celui du Bouregreg avec celui du Sébou.

En résumé, « nous avons une quantité d’eau qui est là, il faut faire de notre mieux pour l’utiliser le plus longtemps possible » .