Lorsque la journaliste et animatrice de télévision Oprah Winfrey avait une quotidienne au petit écran, elle l’utilisait souvent comme plateforme pour mettre de l’avant des produits qu’elle adorait. L’exercice est devenu l’annuel Favorite Things (qu’on peut traduire par Articles préférés). Malgré la fin de l’émission The Oprah Winfrey Show en 2011, le palmarès Favorite Things a continué à paraître, une fois par année, sur le web⁠1 et dans les pages d’O, le magazine de celle qui est aujourd’hui multimilliardaire. Les articles choisis deviennent des sujets de conversation qui font les manchettes, puis des succès de vente rapidement en rupture de stock, car si Oprah dit qu’il faut les avoir, il faut les avoir.

Avec très peu de regrets, en tant qu’apôtre d’Oprah, j’ai à l’occasion mordu à l’hameçon. Entre autres, lorsque l’animatrice a recommandé les excellents produits de la Montréalaise spécialiste de la peau Jennifer Brodeur, les mules de la marque Ubuntu et les biscuits du restaurant new-yorkais Maman. Mais tout cela est de la consommation de produits. Encore. Toutefois, Oprah Winfrey est plus qu’une seule chose. Notamment, elle est aussi une grande lectrice. Son club de lecture, souvent copié, demeure un phénomène. Ce sont surtout des romans qui y sont proposés – ce qui a un attrait limité pour les amateurs de biographies et d’essais comme moi.

J’ai découvert Arthur Brooks en lisant l’une de ses chroniques dans The Atlantic⁠2, il y a plus de deux ans. Le professeur d’université avait écrit sur le bonheur des immigrants et ce que nous pouvions apprendre d’eux sur la question. Oprah a écrit qu’elle aussi a découvert Brooks en le lisant dans le magazine.

Le bonheur est la spécialité d’Arthur Brooks. Étrange, pour un académicien qui enseigne la gestion à Harvard et dont l’une des spécialités est la microéconomie. Mais il en a fait une science qu’il explique à merveille dans plusieurs de ses chroniques et dans sa balado. Alors, lorsque Oprah a annoncé qu’elle avait coécrit un livre avec le professeur Arthur Brooks, j’étais prédestinée à l’acheter, à le lire et à l’aimer. Build the Life You Want3 porte sur l’art et la science pour devenir plus heureux.

La quête n’est pas nouvelle. Depuis longtemps, nous cherchons l’équation parfaite qui résultera au bonheur. Même le dalaï-lama avait des suggestions, il y a 25 ans, dans L’art du bonheur – son livre devenu un succès planétaire et vendu à plus de 2 millions d’exemplaires.

Mais voilà qu’aujourd’hui, le bonheur est chose très sérieuse. Et rentable. Souvent, les entreprises dans lesquelles les employés sont les plus heureux sont aussi celles qui affichent les meilleurs résultats financiers.

À Silicon Valley, la Mecque de la tech, on a fait d’être heureux une obsession. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans les rangs de cadres de plusieurs entreprises un ou une responsable du bonheur.

Arthur Brooks écrit que, particulièrement au boulot, si nous voulons le succès, il faut d’abord rechercher le bonheur et que ce dernier ne s’accroît pas – ou très peu – avec une augmentation de salaire. Évidemment, beaucoup s’en doutent depuis toujours, mais de le lire noir sur blanc est rassurant.

Et parce que nous ne pouvons vivre de boulot et d’eau fraîche, le bonheur ne peut se limiter à nos métiers et professions. Build the Life You Want aborde l’amitié, l’amour et la famille. Le tout, soutenu par de la recherche et des données. C’est ce qui distingue le livre de ceux écrits par des gourous autoproclamés. Et qui explique, en partie, comment une allergique aux guides de « développement personnel » comme moi a dévoré les quelque 200 pages.

Le plus gros du travail revient aux lecteurs, puisqu’il leur faut définir ce qu’est le bonheur pour eux et à quoi il devrait ressembler. Mais n’avions-nous pas tous fait ce travail de réflexion pendant le confinement ? N’étions-nous pas revenus à l’essentiel ? Je ne suis peut-être pas la seule à avoir oublié. Build the Life You Want arrive donc à point nommé, en forme de rappel et de guide. Et qui de mieux pour nous vendre cette atteinte du bonheur que l’influente Oprah, celle qui a passé tant d’années à nous vendre des savons, des mules et des biscuits ?

Depuis quelques années, Oprah s’est associée au géant Amazon pour rendre encore plus accessibles les produits qui se retrouvent sur sa liste d’articles préférés. En un clic, au lieu de trois ou de quatre, pouf !, ce qu’on a choisi est en chemin. Mais aujourd’hui, le produit-vedette à se procurer, c’est le bonheur. Avec un soleil qui se couche de plus en plus tôt, un hiver qui arrive trop vite et un cycle de nouvelles écrasant, j’ai mordu encore une fois pleinement à l’hameçon, et sans regret.

1. Consultez la liste « Favorite Things 2023 » (en anglais) 2. Lisez la chronique « What Immigrants Know About Happiness » d’Arthur Brooks (en anglais) 3. Consultez le site du livre Build the Life You Want (en anglais) Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue